Le Chaos Rampant - Tyranids

       

Les sirènes s’étaient tues en fin d’après-midi et l’abri 47 s’apprêtait à sceller son sas d’entrée. Le Capitaine Harbin supervisait la fermeture. Il regardait placidement la colonne de réfugiés qui s’engouffrait dans les entrailles de l’abri. D’après les rares rapports qu’il avait reçus, une attaque xéno avaient semble-t-il débuté plusieurs semaines de cela. Selon les protocoles, en l’absence de contre mesure, la population était fortement invitée à rejoindre les abris dans l’attente d’une situation plus calme. Après avoir examiné avec ses jumelles les derniers groupes de civils qui arrivaient, Harbin se tourna vers son second, le sergent Reul.

- Capitaine, les derniers civils viennent de passer les sas de contrôle. Nous pouvons verrouiller l’abri lorsque vous le souhaiterez.

- Parfait sergent Reul, entamez la procédure de fermeture. Harbin retira sa casquette et s’épongea le front. Il faisait inhabituellement chaud pour la saison. Par l’Empereur, c’est une véritable fournaise ! La météo semble totalement déréglée depuis quelques jours. Alors que l’on devrait s’attendre aux premières neiges, on cuit sous les uniformes d’hiver. Incroyable n’est-ce pas sergent ? Sergent ?

Reul s’était figé sur place. Alors que Harbin était dos à l’entrée, le sergent venait d’apercevoir une jeep qui approchait.

-Capitaine ! Un véhicule endommagé se dirige rapidement vers l’abri. Harbin se retourna et saisi ses jumelles. Une épaisse fumée sortait de son capot. Sa trajectoire était incertaine et elle heurta à plusieurs reprises les bas-côtés de la route d’accès.

-C’est des gars de chez nous, j’en distingue trois. Préparez de quoi les accueillir. Au vu du matricule de la jeep, ils viennent de la garnison ouest. Nous n’avons pas reçu de leur nouvelle depuis avant-hier.

- Et les derniers messages n’étaient pas déchiffrables, nos coms sont encore dessus.

- Raisons de plus, vous m’amènerez le plus frais des trois pour un rapport. Reul acquiesça, saisi sa radio et parti au pas de course.

La jeep parvient miraculeusement à stopper sa course folle avant d’atteindre les portes de l’abri. Une quinzaine de soldats les attendaient ainsi que le sergent. Le conducteur sauta du véhicule avec les mains en l’air. Son uniforme était dans un sale état et son visage était brulé sur le côté gauche, de l’oreille au menton. Il portait à la ceinture un pistolet et un fusil en bandoulière. Ils étaient dans un mauvais état. Certaines parties du canon avait fondu et la crosse était zébrée de marques de brûlure.

- Soldat Amèry, matricule E2597.25 de la Garnison Sud ! J’ai deux blessés avec moi ! Reul n’hésita pas une seconde et fit signe à ses hommes d’intervenir. Le sergent transmis ces nouvelles informations à son supérieur et ils furent tous les trois amenés dans la section infirmerie où le capitaine Harbin allait les rejoindre.

La nuit s’installait paisiblement. Le ciel s’était voilé d’épais nuages et l’air demeurait lourd et humide. Un grondement lointain annonça le début d’une pluie fine qui rapidement se transforma en tempête tropicale. A l’intérieur, les trois soldats avaient été rapidement examinés par l’infirmier. Ils étaient dans des états très différents. Harbin, salua l’officier en entrant.

- Capitaine, le soldat Amèry semble seulement avoir des blessures physiques superficielles, la soldate Lettia parait indemne mais reste plongée dans une sorte de coma et pour finir le soldat Guther est entre la vie et la mort. Après un premier examen superficiel, il a visiblement été criblé de projectiles. Au vu des impacts sur son abdomen, ce devait être des gros calibres qui logiquement auraient dû le transpercer de part en part. Le pauvre soldat, à demi conscient, était régulièrement pris de convulsion et hurlait à chaque mouvement. Je pense que ce qui l’a touché est encore à l’intérieur à faire des dégâts. L’officier marque une pause. J’ai bien peur de ne pas avoir le matériel pour le sauver.

- Faites ce que vous pouvez pour qu’il souffre le moins possible, le reste est entre les mains de l’Empereur. Le capitaine Harbin se tourna vers le lit d’Amèry. Celui-là est en état de me faire son rapport ? L’infirmier acquiesça. Parfait, soldat suivez-moi !

Harbin s’installa à son bureau où il pouvait superviser l’ensemble de l’abri. Une vitre panoramique lui permettait d’observer les lits de campements et tous les civils qui s’affairaient en contre bas. Il invita Amèry à s’asseoir, qui préféra rester debout.

- Vous avez l’air de revenir de loin mon garçon. Il constata qu’Amèry avait toujours son pistolet à la ceinture et lui fit remarquer. Cela vous rassure de l’avoir sur vous ? Dites-moi ce que vous avez traversé. Machinalement Amèry posa la main sur son arme et pris une grande inspiration.

- Il y a deux semaines j’étais en poste à la garnison sud.

- Au moment de la première attaque de xénos ?

- Oui, ils ont commencé par pilonner notre position. Puis ça s’est transformé en un véritable déferlement ! Des créatures livides, blanches comme des spectres. Elles grouillaient dans tous les sens. Un gigantesque tsunami de pattes et de griffes. Elles escaladaient les fortifications quitte à se piétiner entre elles. Il y en avait une parmi cette masse qui inspirait un effroi que nul homme ne devrait connaitre. Elle avait un énorme cerveau qui luisait d’une manière inexplicable. Je l’ai senti qu’elle me fixait, qu’elle me scrutait jusqu’au fin fond de mon être. Il se frotta nerveusement la nuque. C’était un vrai carnage sergent … J’ai fait partie des premiers blessés. Il montra sa brulure au visage. Nos communications étant hors service suite à l’attaque, j’ai été envoyé avec d’autres, encore en état, transmettre nos rapports aux autres colonels. La soldate Lettia m’a accompagné jusqu’à la garnison ouest. Nous y sommes parvenus sans trop d’encombre, mais les xénos nous talonnaient. Le colonel Fertus accueilli notre rapport avec un calme et une froideur à en faire pâlir un commissaire. Il se ravisa en repensant à sa comparaison. Veuillez me pardonnez. C’était un homme remarquable. Le visage d’Harbin devint livide. Un vrai héro selon moi …

- Était, vous dit ? La garnison ouest est tombée ? Sa main droite était prise de soubresauts incontrôlables. Il tenta de retrouver son calme en serrant fermement le poing.

- Malheureusement … Mais grâce à tout ce qu’avait préparé et anticipé le Colonel, le premier assaut des créatures se transforma en victoire pour l’Empereur. Elles ne purent par la suite que mener de succinctes escarmouches que nous arrivions à repousser sans peine. Mais il y eu par la suite des rapports de sentinelles qui devenaient préoccupants. Ils faisaient état de disparitions de soldats. Les plus inquiétants décrivaient une créature disproportionnée à la peau blafarde qui emportait à chaque assaut des soldats vivants. Il se frotta nerveusement le crâne. On les retrouva un matin embrochés devant l’enceinte, à la vue de tous. Harbin frissonna. Il était également impossible de se reposer. Nuit et jour, nous entendions une sorte de hurlement qui résonnait jusque dans notre tête. Beaucoup ne le supportèrent pas et finir, de désespoir, par se jeter du haut des fortifications. Lettia avait, elle aussi, tenté d’en finir. Mais ce sont les plus délirants qui, brisés par cette litanie sans fin, ouvrirent directement les portes à l’ennemi, au grand désespoir de tous. La marée blanche s’engouffra aussitôt dans l’enceinte et déchiqueta tous les êtres vivants... Enfin presque tous, j’ai pu prendre une jeep et poursuivre ma mission, notre mission. Nous avons pu récupérez le soldat Guther, qui m’a aidé à transporter la soldate Lettia avant de se faire toucher par un tir ennemi. Je ne pouvais pas le laisser comme ça.

***

A l’infirmerie, l’officier avait réussi à sédater Guther et était en train de consulter les analyses de Lettia. Une forte dose de morphiniques lui avait été administrée. Les hypothèses se bousculaient dans la tête de l’infirmier. Il enclencha son dictaphone.

- Officier Beley, Compte rendu de la patiente E2597.35, Lettia Grayce. Diagnostique : Surdosage aux morphiniques. Mode d’administration possible selon la molécule retrouvée : en intraveineuse. Hypothèses de la prise : Absence de traumas physiques, absence de blessures, la piste de la douleur est écartée. Il examina en même temps la soldate alitée. Absence de marque de piqures aux bras ou dissimulée dans les espaces interdigitaux, la piste de l’overdose ou de tentative d’autolyse sont exclues. En examinant la nuque de sa patiente il remarqua une légère boursouflure. Merde… Présence d’un point d’injection entre C4 et C5. Injection contre son grès ? Mais pour quels motifs ? Il reposa son dictaphone et prépara une seringue. Le stimulant qu’il lui injecta fit rapidement effet. La soldate se réveilla en sursaut. L'œil hagard, elle sortit précipitamment de son lit. Elle chancela à plusieurs reprises alors qu’elle avançait vers le chariot de soin. Elle saisit tant bien que mal un scalpel et se dirigea aussi vite qu’elle le pouvait en direction du lit de Guther.

- Sales fumiers ! Vous allez recommencez ici aussi ! Je vous en empêcherai cette fois ! Beley réussi à s’interposer sans difficulté. Lettia était encore sous les effets de substances qu’on lui avait injecté.

- Calmez-vous, dites-moi ce qu’il se passe. Il ne peut rien vous faire dans l’état où il est. Il réussit à la faire s’assoir.

- Il faut agir au plus vite, où est Amèry ? Où est ce fils de chien ? Elle agrippa la veste de l’officier. C’est Guther et lui qui ont ouvert les portes de la garnison ouest ! Il a changé depuis le premier assaut, je suis persuadée que c’est aussi lui qui a coupé les communications au bastion sud … Elle rapprocha son visage de celui de Beley. Son regard s’était embrasé et la rage se lisait dans ses traits. Où... est... il ?

- Avec le capitaine, rassurez-vous il ne va pas se volatilisez. Il montra du doigt l’intercom près de son bureau. Je vais le prévenir. Lettia acquiesça et relâcha sa prise. Il l’enclencha et mit le haut-parleur. Ici l’officier Beley. Passez-moi le bureau du capitaine, c’est urgent. L’intercom grésilla un long moment.

- Harbin, j’écoute.

- Capitaine, la soldate est réveillée. Tout porte à croire que les deux soldats que nous avons secourus ne soient pas blanc comme neige. Le témoignage et les résultats des analyses laissent pensez que… Un coup de feu résonna dans l’intercom. Capitaine ! Capitaine !

- Bordel je vous l’avais dit. Lettia essaya de se lever avant de retomber aussitôt sur son lit. Merde …

***

Un mince filet de fumé s’échappait du canon encore chaud du pistolet. Harbin était installé dans son fauteuil. Une tâche écarlate commençait à se dessiner sur le dossier. Amèry se tenait droit face à lui, sa main tremblait légèrement. Il arborait un rictus carnassier qui donnait à son visage brulé une allure monstrueuse.

- Fumier…Le capitaine trouvait difficilement sa respiration, il était touché au ventre. Vous m’avez menti depuis votre arrivée …L’alarme de l’abri se déclencha. Les sirènes en contrebas hurlaient et les lumières avaient viré aux rouges.

- Absolument pas, j’ai pu omettre quelques détails mais ce que je vous ai reporté est la pure vérité. Le Grand Dévoreur approche et avec lui la promesse d’un renouveau salvateur ! Comme pour se rassurer, il passa sa paume sur sa brûlure. Je l’ai entendu, il me l’a dit. Il m’a donné une mission, à Guther aussi. Lettia est une partie de ma récompense mais Guther n’a finalement été que mon ticket d’entrée pour l’abri. A l’heure qu’il est-il a dû se faire dévorer de l’intérieur par ces parasites. Il renaitra en un organisme supérieur ! Il s’avança vers le bureau d’Harbin.

- Vous avez complétement perdu la tête, vous serez tué comme les autres. Amèry posa le canon de son arme sur le front du capitaine.

- Non, la galaxie est corrompue. Comme le vers qui dévore la pourriture, je ferai partie d’une entité supérieure et reviendrait plus puissant que jamais pour nettoyer toute cette fange ! Il actionna la gâchette de son pistolet. Le corps inerte d’Harbin s’affaissa dans le fauteuil. Sans perdre de temps, Amèry arracha la carte d’identification du capitaine sans vie et déverrouilla l’accès à la console de commande. Il amorça l’ouverture du sas et activa les hauts parleurs de l’abri. Frères et sœurs, il est temps d’accueillir le Grand Dévoreur. Depuis la vitre panoramique, Amèry observa les premiers effets de son annonce. Un flash apparu au fond de l’abri puis, un second à l’opposer et très vite le carnage débuta parmi les réfugiés. Bientôt, des coups de feu retentirent dans tout le complexe